Leguideinfo.net : Par un décret publié le samedi 14 juin 2025, le général Mamadi Doumbouya a franchi une nouvelle étape dans la confiscation du processus électoral en Guinée. Le texte modifie le décret D/2021/0261/PRG/CNRD/SGG du 30 décembre 2021 portant attributions et organisation du ministère de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation (MATD). Désormais, ce ministère contrôlé par le pouvoir central devient l’unique organe chargé d’organiser les élections politiques et les référendums, en lieu et place de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI).
Selon ce nouveau décret, le MATD est chargé notamment de l’établissement et la mise à jour du fichier électoral; l’organisation matérielle des élections et référendums; la supervision de tout le processus électoral, du centre urbain au village le plus reculé.
Pour ce faire, une Direction Générale des Élections (DGE) a été créée au sein du ministère. Elle est dirigée par un Directeur Général, nommé par décret présidentiel sur proposition du ministre, et assisté d’un adjoint, également nommé dans les mêmes conditions. Ce schéma de nomination s’applique également à tous les responsables régionaux, préfectoraux et communaux chargés d’organiser les élections — tous désignés directement par le président.
Même à l’étranger, les élections seront pilotées par les services consulaires sous la coordination des ambassadeurs… eux aussi nommés par le chef de l’État.
Dans un contexte où le général Mamadi Doumbouya est perçu comme un candidat quasi-certain à la future présidentielle, confier l’organisation du scrutin à une administration instrumentalisée, politisée et ultra-hiérarchisée revient à faire arbitrer un match par l’entraîneur d’une des équipes en compétition.
Ce constat est d’autant plus préoccupant que le ministre en charge du MATD, Ibrahima Kalil Condé, a affirmé récemment que le soutien au président de la transition « est une obligation ».
Mais ce décret n’est pas un hasard. Il s’inscrit dans une logique bien huilée de captation du pouvoir par la force, amorcée depuis le coup d’État du 5 septembre 2021. Comme l’a révélé Jeune Afrique dans un article du 13 juin 2025, cette stratégie comprend également la réécriture sur mesure de la Constitution.
D’après ces révélations, la durée du mandat présidentiel, initialement fixée à 5 ans renouvelable une fois dans l’avant-projet, aurait été modifiée pour passer à 7 ans sans limitation du nombre de mandats. Ce changement aurait été validé par la quasi-totalité des membres du Conseil National de la Transition (CNT) : 78 sur 81 auraient voté OUI, seuls trois conseillers s’y seraient opposés.
Le texte final de la nouvelle Constitution devrait être officiellement présenté au Chef de la junte le vendredi 21 juin 2025, lors d’une cérémonie officielle.
Depuis le putsch, aucune condition favorable à une transition démocratique crédible n’a été réunie en Guinée. Au contraire, le dialogue politique est bloqué, des citoyens, notamment des activistes et des journalistes, sont enlevés et portés disparus ; des arrestations et des exils forcés de leaders politiques et de journalistes ont lieu ; des médias indépendants sont fermés ; le pouvoir est absolument concentré entre les mains du CNRD et, aujourd’hui, le processus électoral est pris en main unilatéralement.
Ce n’est plus seulement une dérive : c’est une stratégie assumée de verrouillage du pouvoir, dissimulée sous les habits d’une prétendue REFONDATION.