Leguideinfo.net : L’affaire de l’enlèvement de Me Mohamed Traoré, avocat et ancien bâtonnier, prend une tournure encore plus alarmante. Selon des révélations de l’Ordre des avocats de Guinée, leur collègue aurait subi des actes de torture d’une extrême violence, recevant 500 coups de fouet de la part de ses ravisseurs. Ce traitement aurait été infligé en guise de « pénitence » pour sa démission du Conseil National de la Transition (CNT) et ses prises de position critiques envers le pouvoir en place.
Des motifs politiques derrière la torture alléguée
Les informations divulguées par le barreau de Guinée jettent une lumière crue sur les motivations derrière l’enlèvement et la torture de Me Traoré. Les ravisseurs lui auraient expressément reproché son départ du CNT et son franc-parler contre les actions du gouvernement. Cette agression survient peu après le retour de l’avocat à Conakry, après qu’il ait accompli son pèlerinage à la Mecque. Le timing ajoute à la consternation et soulève de sérieuses questions sur les conditions de sécurité des voix dissidentes en Guinée.
Le Barreau de Guinée en Colère : Réunion d’Urgence et Promesse de Réponses
Face à la gravité des faits, le Barreau de Guinée est en état d’alerte. Il a convoqué une réunion d’urgence pour discuter de la situation de leur confrère, qui est actuellement en convalescence. L’Ordre des avocats a promis d’apporter des « réponses adéquates » à cette situation, marquant sa détermination à défendre ses membres et à dénoncer de telles atteintes aux droits fondamentaux. Cette escalade dans l’affaire de Me Traoré intensifie la pression sur les autorités guinéennes et renforce les préoccupations nationales et internationales concernant le respect des droits de l’homme et des libertés individuelles dans le pays.

COMMUNIQUÉ DU BARREAU DE GUINÉE RELATIF À L’ENLÈVEMENT DE MAÎTRE MOHAMED TRAORÉ, ANCIEN BÂTONNIER
Le Barreau de Guinée prend acte de la libération de Maître Mohamed TRAORÉ, avocat au Barreau de Guinée, ancien Bâtonnier de l’Ordre, victime d’un enlèvement dans la nuit du 20 au 21 juin 2025, aux environs de 2h du matin, à son domicile privé, dans des conditions d’une extrême violence et d’une brutalité inqualifiable.
Selon les témoignages concordants, au moins sept (7) individus armés encagoulés et lourdement équipés, ont escaladé le mur d’enceinte du domicile de Me Mohamed TRAORÉ avant de forcer la porte d’entrée. Une fois dans la concession, ils ont agressé physiquement l’une de ses filles en la giflant, avant de s’en prendre à l’avocat lui-même, qu’ils ont également giflé, injurié puis embarqué de force dans un véhicule Toyota V8, l’un des deux véhicules utilisés pour cette opération. Maître TRAORÉ venait tout juste de regagner Conakry après un pèlerinage à la Mecque.
Au cours de sa séquestration, il a été allongé au sol puis cruellement fouetté. Le chef présumé de l’opération a donné l’ordre explicite de ne pas interrompre les coups avant d’atteindre cinq cents (500) flagellations. Le dos de Maître TRAORÉ est couvert de plaies, signes manifestes des sévices subis. Son visage a été couvert de force à l’aide d’un habit dans une tentative manifeste de l’asphyxier. Il a ensuite été roué de coups, menacé de mort, injurié avec des propos à caractère communautariste, et a entendu des menaces explicites du type : « on va te crever les yeux » ; « si ça ne tient qu’à moi, je le tue et puis c’est fini ». Ses agresseurs lui ont clairement signifié qu’il ne s’agissait que d’un avertissement», lui reprochant notamment sa démission du Conseil National de la Transition (CNT) ainsi que ses prises de parole publiques et ses écrits critiques. Selon un témoin rencontré sur place, l’un des assaillants portait un pantalon d’uniforme semblable à celui de la gendarmerie nationale.
Après ces actes de torture et de séquestration, Me Mohamed TRAORÉ a été abandonné dans un état d’inconscience dans une cour à Bangouyah, préfecture de Coyah. Il n’a dû son salut qu’à une intervention rapide, ayant permis son évacuation vers un lieu sécurisé pour y recevoir les soins médicaux d’urgence requis par son état. Le Barreau de Guinée condamne avec la plus grande fermeté cet acte d’une gravité extrême, constitutif d’enlèvement, de torture, de violences volontaires aggravées, de séquestration, et d’atteintes manifestes à la dignité humaine.
Cet acte porte une atteinte intolérable à l’indépendance de la profession d’avocat, aux libertés fondamentales garanties par la Charte de la transition, et jette une ombre sombre sur la crédibilité de l’État de droit en République de Guinée.
Le Barreau exige que toute la lumière soit faite, sans délai, sur les auteurs, exécutants, complices et commanditaires de cette opération ignoble. Il requiert l’engagement immédiat de poursuites judiciaires effectives, indépendantes et impartiales.
Les circonstances entourant cette opération, notamment la présence d’individus en tenue partielle, l’usage de moyens logistiques sophistiqués, la nature ciblée des menaces proférées et le fait que les assaillants aient traversé plusieurs points de contrôle tenus par les forces de défense et de sécurité sans être inquiétés permettent d’exclure toute hypothèse de banditisme ordinaire. Ces éléments laissent au contraire présumer une opération planifiée, exécutée avec des complicités actives ou passives au sein de structures étatiques.
Le Barreau de Guinée rappelle solennellement que l’avocat est un acteur essentiel de la justice, protégé par les instruments internationaux auxquels la Guinée est partie, notamment les Principes de base relatifs au rôle du Barreau adopté par les Nations Unies. Toute atteinte à son intégrité physique ou morale est une atteinte directe à la justice et aux droits des citoyens qu’il défend.
Le Barreau de Guinée, comme toujours, ne cède à aucune intimidation contre ses membres. Chaque avocat menacé verra toute la profession se lever pour défendre son honneur, son intégrité et les principes fondamentaux de l’Etat de droit.
Une Assemblée Générale Extraordinaire du Barreau sera convoquée
dans les prochains jours pour délibérer sur les actions à entreprendre. Nous appelons la communauté nationale et internationale, l’Union Internationale des Barreaux, la Conférence Internationale des Barreaux de tradition française (CIB), la Conférence des Barreaux de l’UEMOA, les Barreaux africains et étrangers, les ordres professionnels, les magistrats épris de justice, les institutions régionales, les ONG de défense des droits humains, à demeurer vigilants et à manifester leur solidarité. Le Barreau de Guinée exprime son entière solidarité à Maître Mohamed TRAORÉ, à son épouse, à ses enfants et à l’ensemble des confrères engagés pour la défense des libertés. Nul ne fera taire la justice. Quand les avocats se lèvent pour défendre le droit, aucune tyrannie ne peut prévaloir.