Leguideinfo.net : Port-au-Prince, octobre 2025. La romancière haïtienne Yanick Lahens vient d’être couronnée par l’Académie française, une reconnaissance majeure qui hisse à nouveau la littérature haïtienne au sommet du monde francophone. Son roman Passagères de nuit, publié aux Éditions Sabine Wespieser, lui a valu le Grand Prix du Roman de l’Académie française 2025, l’une des distinctions littéraires les plus prestigieuses du monde.

-Une consécration méritée

Déjà lauréate du Prix Femina 2014 pour Bain de lune, Yanick Lahens poursuit avec éclat une trajectoire d’excellence. Dans Passagères de nuit, elle tisse le destin de deux femmes reliées par la mémoire, la résistance et la quête de liberté, entre Haïti et la Louisiane. Une œuvre sensible, ancrée dans l’Histoire et nourrie par la mémoire des femmes oubliées de la diaspora.

Ce roman a séduit le jury par la puissance de son écriture et la profondeur de sa réflexion sur les blessures de l’esclavage, la dignité et la transmission. À travers ses mots, Lahens redonne voix à celles qui ont traversé la nuit pour écrire leur propre histoire.

-Le Grand Prix du Roman de l’Académie française

Créé en 1914, le Grand Prix du Roman est décerné chaque année à « l’auteur du roman que l’Académie a jugé le meilleur de l’année ». Il marque traditionnellement le début de la saison des grands prix littéraires en France.

Ce prix, doté d’un prestige immense, a honoré au fil des ans des écrivains majeurs tels que :

Miguel Bonnefoy (Le rêve du jaguar, 2024)

Dominique Barbéris (Une façon d’aimer, 2023)

Giuliano da Empoli (Le mage du Kremlin, 2022)

François-Henri Désérable (Mon maître et mon vainqueur, 2021); Et Dany Laferrière, finaliste à plusieurs reprises.

L’inscription du nom de Yanick Lahens dans ce panthéon littéraire marque une page historique : c’est la première fois qu’une écrivaine haïtienne reçoit cette haute distinction.

–Une victoire pour Haïti et la francophonie

La consécration de Yanick Lahens résonne bien au-delà de sa personne.
C’est une victoire collective pour Haïti, pour la francophonie, et pour tous ceux qui continuent de croire à la force des mots dans un monde souvent ébranlé par les crises.

Cette reconnaissance consacre aussi le parcours d’une femme de lettres engagée, qui, depuis plusieurs décennies, porte haut les couleurs d’Haïti dans les cercles littéraires du monde entier.
Professeure, conférencière, essayiste et romancière, Yanick Lahens incarne une génération d’intellectuels haïtiens dont l’écriture éclaire la réalité sans jamais renoncer à l’espérance.

-Une écrivaine entre mémoire et engagement

Née à Port-au-Prince le 22 décembre 1953, Yanick Lahens a grandi entre Haïti et la France. Après des études de lettres à la Sorbonne (Université Paris), elle retourne en Haïti pour enseigner la littérature à l’Université d’État. Engagée sur le plan culturel et social, elle a collaboré avec l’UNESCO et dirigé des programmes de promotion de la lecture et de la culture en Haïti.

Son œuvre explore les thèmes de la mémoire, de l’identité, du rapport à la terre et du rôle des femmes dans la société haïtienne.

-Une bibliographie riche et lumineuse

L’écriture de Yanick Lahens est poétique, lucide et profondément ancrée dans la réalité haïtienne.
Parmi ses ouvrages marquants :

Dans la maison du père (2000) : un roman sur la filiation, la mémoire et la condition féminine.

La couleur de l’aube (2008) : un récit poignant où deux sœurs partent à la recherche de leur frère disparu dans un Port-au-Prince ravagé par la violence. Guillaume et Nathalie (2013) : une histoire d’amour sur fond de désillusion et de désespoir collectif. Bain de lune (2014) : récompensé par le Prix Femina, ce roman magistral retrace le destin d’une famille sur plusieurs générations et dévoile l’âme d’un pays à travers ses luttes et ses renaissances.

Douces déroutes (2018) : un regard lucide sur les contradictions d’une société en mutation, où la quête de soi devient un acte de résistance. Passagères de nuit (2025) : son œuvre la plus récente, saluée pour sa force narrative et sa portée symbolique, explore la mémoire des femmes de la diaspora noire entre Haïti et la Louisiane.

-De la bibliothèque Georges Castera du limbé

En novembre 2015, la romancière haïtienne Yanick Lahens a reçu le Prix Joseph D. Charles, décerné par la Bibliothèque Georges Castera du Limbé, pour son recueil de nouvelles « La folie était venue avec la pluie ». La cérémonie, tenue le 14 novembre 2015 dans les jardins de la bibliothèque, rendait hommage à une écrivaine dont la plume explore avec sensibilité la mémoire, les réalités sociales et les épreuves vécues par le peuple haïtien.

Mme Lahens avait toujours répondu avec enthousiasme à toutes les invitations de la Bibliothèque Georges Castera, participant activement aux activités littéraires à Mirebalais, Cap-Haïtien, Les Cayes, Gonaïves et Limbé. Ce qui me surprend toujours, c’est son plaisir sincère à se déplacer avec Livres en Liberté pour rencontrer les jeunes et partager son amour de la lecture.

Le Prix Joseph D. Charles, créé en hommage à l’enseignant et avocat du même nom, souligne chaque année la vitalité de la littérature haïtienne et la richesse culturelle du Limbé. Elle était aussi présente lors de l’inauguration de la bibliothèque Dany Laferrière de Petit-Trou de Nippes.

-Une inspiration pour les nouvelles générations

Dans un contexte où Haïti cherche à se reconstruire, le triomphe de Yanick Lahens rappelle que le pays du poète et du rêveur n’a jamais cessé d’exister. Cette distinction internationale démontre que la créativité haïtienne, portée par le talent, la mémoire et la résilience, continue de rayonner malgré les difficultés.

Ce prix ne récompense pas seulement l’excellence littéraire de Yanick Lahens, il porte aussi un message d’espoir pour Haïti, particulièrement pour les populations victimes du cyclone Melissa à Ti-Goâve, ainsi que pour les habitants de Carrefour-Feuilles, Kenscoff, Lascahobas, Mirebalais, Liancourt, Verrettes et L’Estère, des villes souvent frappées par la violence et la misère. Dans ces contextes difficiles, ce prix agit comme une bouffée d’oxygène, rappelant que la littérature et la culture restent des refuges essentiels et des sources d’inspiration pour tous.

Son succès ouvre la voie à une nouvelle génération d’auteurs haïtiens et francophones, invitant le monde à lire Haïti autrement, avec respect, admiration et émotion.

-Un message d’espérance

Avec Passagères de nuit, Yanick Lahens nous rappelle que la littérature peut être une lumière dans la nuit des peuples, un pont entre les mémoires et un acte de résistance face à l’oubli.
Son triomphe à l’Académie française est plus qu’un prix : c’est une victoire de l’intelligence, de la beauté et de la fidélité à Haïti.

Clément II BENOÎT Directeur-Fondateur de la bibliothèque Georges Castera de Limbé et la bibliothèque Dany Laferrière de Petit-Trou de Nippes.