Leguideinfo.net : Dans ce document intitulé « À propos de mes récentes interventions audios concernant la situation à l’UFDG », la juriste Aminata Barry, basée au Canada, examine la situation actuelle au sein du parti et les implications juridiques entourant l’exclusion de M. Ousmane Gaoual. Elle plaide en faveur d’un compromis entre les différentes factions du parti afin de préserver ses intérêts légaux et démocratiques.

L’auteure soutient que, pour l’UFDG, la meilleure option consiste à parvenir à un accord entre les parties en conflit, tout en tenant compte des risques juridiques associés à l’exclusion d’un membre ayant intégré le gouvernement. En effet, l’exclusion d’un membre pour avoir participé au gouvernement est considérée comme illégale selon la Charte des partis politiques, qui impose une obligation de participation à la vie politique. Cela souligne que, même en période d’opposition, les partis ne peuvent pas exclure leurs membres en raison de leur participation gouvernementale.
Bonne lecture !
Mise au point sur mes interventions relatives à la situation qui prévaut dans l’UFDG, par rapport aux principes et au cadre légal qui régissent l’action des partis politiques dans un État de Droit, a fortiori dans une Transition, lorsque la Charte des partis politiques est en vigueur. À travers mes interventions audio qui ont été largement distribuées sur WhatsApp et notamment reprises en live par M. Ilo Bah, j’ai été prise à partie.
De quoi s’agit-il ?
Au vu des risques juridiques que comporte la situation, j’ai cherché à faire valoir qu’un compromis entre les belligérants était la meilleure des options pour l’UFDG, compte tenu des contingences actuelles. Qu’une entente ou un règlement du conflit à l’amiable est, dans le contexte qui prévaut, la meilleure des options pour la sauvegarde des intérêts du Parti.
L’exclusion de M. Ousmane Gaoual est-elle fondée au motif qu’il participe au gouvernement du CNRD ? Le présent document répond à cette question en exposant les raisons juridiques pour lesquelles mes arguments sont fondés en droit et au regard des principes de démocratie. Il met également en exergue les risques auxquels l’UFDG s’expose sur le fondement de la Charte des partis politiques, instrument de Droit actuellement en vigueur sous la Transition, et duquel les partis politiques agréés tirent leur légalité.
Ci-après, la juriste que je suis traite des règles qui découlent de l’application de la Loi en fonction des instruments juridiques existants et pertinents à la cause. En cela, mon approche se situe au-dessus et en dehors des questions de personne.
Dans ce contexte, je rappelle les points ci-après : Dans les sociétés démocratiques, la vie politique et la gouvernance des partis se fondent sur l’État de droit.
On retrouve dans les pays de culture démocratique différents blocs politiques, généralement 3, à savoir, comme c’est le cas en France, la droite, la gauche et le centre. Lorsqu’un parti de l’un de ces 3 blocs gagne les élections, il devient le parti au pouvoir et les partis perdants deviennent l’opposition.
La formation du gouvernement par le parti au pouvoir peut l’amener à coopter des membres des partis d’opposition pour équilibrer la gouvernance ; c’est ce qu’on appelle former un gouvernement d’union nationale, ce qui constitue le summum d’une gouvernance inclusive.
Voilà pourquoi, s’agissant de la France en 2007, le gouvernement de Sarkozy (gouvernement de droite) a nommé Bernard Kouchner, membre du parti socialiste (donc de gauche et de l’opposition), ministre des Affaires Étrangères. Ici, on constate que le gouvernement de Sarkozy a coopté Bernard Kouchner sans que ce dernier n’ait besoin de l’autorisation de son parti (le parti socialiste qui était de l’opposition au parti UMP de Sarkozy).
Cette autorisation était implicite selon l’esprit et la lettre de la Loi qui régit l’activité des partis politiques, comme c’est le cas également en Guinée, à travers la Loi Organique portant Charte des Partis Politiques qui stipule ci-après en son article 3 :
« Les partis politiques ont pour objet, dans le cadre de la Loi Fondamentale et de la Réglementation en vigueur, de participer à la vie politique de la Nation par des moyens démocratiques et pacifiques. »
C’est cette obligation de participation à la vie politique qui contraint légalement les partis politiques à ne pas s’opposer à la cooptation de leurs membres par le gouvernement en place et ainsi, participer à la direction du pays ; le gouvernement étant par excellence le principal lieu d’exercice de la vie politique de la Nation.
C’est sur le fondement de ce qui précède que vous ne trouverez nulle part dans les pays démocratiques des cas d’exclusion de membre d’un parti politique pour avoir participé au gouvernement du pays, même si ce parti est dans l’opposition au gouvernement en place. Tel fut le cas en France pour la participation de Bernard Kouchner au gouvernement de Sarkozy.
Si l’on se rapporte au cas présent en Guinée, la participation d’un membre de l’UFDG au gouvernement de la Transition était et reste de bon droit car, au début de la Transition, l’UFDG n’était pas opposée au pouvoir, mais même aujourd’hui où cela a changé, tous les partis guinéens sont dans l’obligation de se conformer à l’article 3 de la Charte des Partis politiques. Ce qui signifie qu’aux termes de ladite Charte, il est illégal d’exclure un membre d’un parti politique au motif qu’il a été coopté dans le gouvernement, puisque cela correspondrait de fait à un refus « de participer à la vie politique de la Nation ». Prôner le contraire, c’est mettre le parti en infraction et le rendre passible de sanction.
Pour contextualiser les faits dans le cas spécifique de l’UFDG et de M. Ousmane Gaoual Diallo, il est bon de rappeler qu’au moment de son entrée au gouvernement, l’intéressé sortait de prison à la faveur du putsch du 5 septembre 2021. C’est son militantisme au sein de l’UFDG qui lui avait valu cette incarcération.
Durant cette même période, l’UFDG n’était pas en opposition avec la Transition, s’étant ralliée au CNRD. Il est à noter que l’UFDG est passée de la position de parti allié au pouvoir à parti d’opposition pendant que M. Ousmane Gaoual était déjà dans le gouvernement.
C’est donc dire qu’au moment où il lui est proposé d’être ministre, l’UFDG n’est pas opposée au CNRD.
Et même après que l’UFDG est passée dans l’opposition, l’article 3 de la Charte des Partis Politiques interdit d’exclure un membre au motif de sa participation au gouvernement car il s’agit par excellence du lieu de la « participation à la vie politique de la Nation ».
Pour ramener les choses à l’échelle de la Guinée, le CNRD, qui n’est pas un parti politique, gouverne le pays sous le régime de la Transition. De ce fait, son gouvernement n’est ni à gauche ni à droite, ni dans l’opposition partisane. Son gouvernement se classe au centre de l’échiquier politique et sa vocation est de constituer un gouvernement d’Union Nationale. C’est en cela qu’il est attendu des partis politiques qu’ils se conforment à leur obligation de participation à la vie politique conformément à leur loi habilitante (la Charte des partis politiques).
Ainsi, il en résulte que toute exclusion d’un membre au motif qu’il a participé au gouvernement contrevient à l’objet légal des partis politiques, selon ladite Charte.
En tout état de cause, s’il s’agit de parler de Droit, du point de vue de la juriste, voilà ce qu’il en est.