Leguideinfo.net : Depuis le début de son invasion en Ukraine en février 2022, la Russie fait face à une pression croissante sur ses capacités militaires. Entre les sanctions occidentales qui limitent son accès aux technologies avancées et les pertes importantes sur le champ de bataille, Moscou explore de nouvelles stratégies pour renforcer son arsenal. L’une des initiatives émergentes consiste à racheter des équipements militaires soviétiques dans les pays d’Afrique de l’Ouest, un héritage de la Guerre froide, pour les réutiliser dans le conflit ukrainien. Cette stratégie, bien que pragmatique pour Moscou, a des implications géopolitiques majeures.
Le rôle des transferts d’armes soviétiques en Afrique : un héritage durable.
Historiquement, l’Union soviétique a été l’un des principaux fournisseurs d’armes pour de nombreux pays africains, notamment pendant la Guerre froide. Selon les données de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI), de 1960 à 1990, l’URSS a fourni environ *40 % des importations totales d’armes en Afrique subsaharienne*. Ces transferts visaient à soutenir les régimes socialistes ou alliés idéologiquement proches de Moscou et à contrer l’influence occidentale, notamment celle des États-Unis et de la France.
Les équipements livrés comprenaient des chars soviétiques T-54, T-55 et T-72, des avions de chasse MiG-21 et MiG-23, des hélicoptères de transport Mi-8, des systèmes d’artillerie comme le BM-21 Grad, ainsi qu’une vaste quantité d’armes légères (fusils d’assaut AK-47) et de munitions. Ces matériels, robustes et relativement simples à entretenir, ont continué à être utilisés par des armées africaines bien après l’effondrement de l’URSS.
Exemples concrets de pays concernés.
1. Mali : un partenaire stratégique pour la Russie.
– Le Mali, qui a récemment renforcé ses liens avec la Russie, est un exemple clé. Depuis le retrait des troupes françaises en 2022, le gouvernement malien a intensifié sa coopération militaire avec Moscou, notamment via le groupe Wagner. Le Mali dispose encore de stocks d’équipements soviétiques, dont des chars T-55 et des véhicules blindés BRDM-2.
– En 2023, des rapports ont suggéré que la Russie avait proposé au Mali des accords bilatéraux pour racheter ou échanger ces équipements contre des armes modernes, comme des hélicoptères Mi-35 ou des drones.
2. Guinée : un arsenal hérité de l’ère soviétique.
– Sous la présidence de Sékou Touré (1958-1984), la Guinée a été l’un des principaux alliés soviétiques en Afrique de l’Ouest. En conséquence, le pays a reçu d’importants lots d’armes, notamment des véhicules blindés et des systèmes d’artillerie.
– Bien que ces équipements soient aujourd’hui largement obsolètes, certains pourraient être modernisés. La Russie pourrait chercher à récupérer ces matériels en échange d’un soutien économique ou militaire.
3. Burkina Faso : un potentiel inexploité.
– Le Burkina Faso, en pleine transition politique et sécuritaire, possède également un stock limité d’équipements soviétiques. Bien que la majorité de ces matériels soient en mauvais état, ils pourraient intéresser Moscou, notamment pour la récupération de pièces détachées ou pour une remise à niveau rapide.
– La récente montée en puissance des relations entre le Burkina Faso et la Russie, notamment via des accords de coopération militaire, pourrait faciliter ces transactions.
4. Bénin et Togo : des stocks dormants.
– Bien que moins médiatisés, des pays comme le Bénin et le Togo ont également reçu des armes soviétiques dans les années 1970-1980. Ces équipements, souvent stockés ou abandonnés, pourraient être rachetés par la Russie pour être remis en service ou utilisés comme pièces de rechange.

Analyses des données sur les transferts d’armes.
Les données du SIPRI montrent que, depuis 1991, les transferts d’armes soviétiques/russes vers l’Afrique ont diminué, mais les équipements soviétiques livrés pendant la Guerre froide restent omniprésents. Par exemple :
– Chars et véhicules blindés : Plus de 1 500 chars T-55 et T-72 ont été livrés à l’Afrique subsaharienne entre 1960 et 1990. Ces modèles, bien que dépassés, restent compatibles avec les doctrines militaires russes actuelles.
– Avions de chasse : Les MiG-21 et MiG-23, livrés massivement en Afrique, sont toujours en service dans plusieurs pays. Ces appareils nécessitent des pièces détachées que la Russie pourrait récupérer ou moderniser.
– Artillerie et systèmes de roquettes : Les BM-21 Grad, des lance-roquettes multiples, sont encore utilisés dans des conflits locaux en Afrique. Leur simplicité et leur efficacité en font des cibles privilégiées pour un rachat par Moscou.
Les motivations russes : une réponse à la guerre en Ukraine.
La stratégie de rachat d’équipements soviétiques en Afrique s’inscrit dans un contexte de pénurie de matériel militaire en Russie. Selon des estimations occidentales, la Russie a perdu environ 2 500 chars et des milliers de véhicules blindés depuis le début de la guerre en Ukraine. Les sanctions internationales compliquent également la production de nouvelles armes, notamment en raison du manque de composants électroniques.
En récupérant des équipements soviétiques en Afrique, Moscou pourrait :
– Réapprovisionner rapidement ses forces : Les chars, véhicules blindés et systèmes d’artillerie pourraient être remis en état pour un déploiement rapide.
– Réutiliser les pièces détachées : Même les équipements inutilisables pourraient être démantelés pour récupérer des composants essentiels.
– Moderniser des systèmes anciens : La Russie a une expertise avérée dans la modernisation d’armes soviétiques, les rendant compatibles avec ses besoins actuels.
Implications géopolitiques et défis.
1. Un renforcement de l’influence russe en Afrique.
– En proposant des accords de rachat ou des échanges d’armes, la Russie pourrait renforcer ses relations avec des pays africains stratégiques. Cela s’inscrit dans une stratégie plus large visant à concurrencer les puissances occidentales en Afrique.
2. Des obstacles logistiques.
– Le transport des équipements depuis l’Afrique de l’Ouest jusqu’en Russie ou en Ukraine représente un défi logistique majeur. Les sanctions occidentales compliquent l’utilisation des routes commerciales classiques, et tout mouvement d’armes pourrait attirer l’attention des services de renseignement occidentaux.
3. Des répercussions sur la guerre en Ukraine.
– Si cette stratégie permet à la Russie de prolonger ses capacités militaires, elle pourrait également intensifier le conflit en Ukraine, rendant plus difficile une résolution rapide du conflit.
4. Des risques pour les pays africains.
– Les gouvernements africains qui collaboreraient avec Moscou risquent de s’exposer à des sanctions économiques ou diplomatiques de la part des États-Unis ou de l’Union européenne.
Conclusion.
Le rachat d’équipements militaires soviétiques en Afrique de l’Ouest illustre la résilience de la Russie face aux contraintes imposées par la guerre en Ukraine et les sanctions internationales. Cette stratégie, bien que pragmatique, soulève des questions éthiques et stratégiques pour les pays africains concernés. Alors que la guerre en Ukraine continue de redéfinir les équilibres mondiaux, l’Afrique pourrait devenir un terrain d’affrontement indirect entre la Russie et les puissances occidentales.
LG