Leguide.info : j’écris ces quelques lignes pour témoigner du courage et l’humanisme d’un vrai volontaire qui a rendu l’âme sur le champ de bataille. Comme la plupart des journalistes qui font des enquêtes et ou qui couvrent des manifestations à Conakry, j’ai côtoyé Ibrahima Saikou Diallo dit CIA. Malgré la différence d’âge, il m’a pris comme son ami et m’appelait à tout moment. Il m’a accordé plusieurs interviews sur l’actualité notamment dans notre émission l’Autre Journal sur Espace tv. La dernière fut celle dans laquelle il avait analysé le bilan des 100 jours du CNRD à la tête de la République de Guinée.
Au-delà du professionnel, il a créé un cordon ombilical entre ses enfants à l’orphelinat Aide Aux Enfants Déshérités de Guinée. Beaucoup d’entre eux connaissent chez moi et connaissent ma famille. Ce sont eux qui entretiennent mon salon. Sur ordre de leur boss, jamais ils ne m’ont demandé de l’argent. Ils sont obéissants, solides et résistants aux charges de la vie. Ils ont tous un métier et s’aiment entre eux. Les plus petits sont entretenus par les plus grands. Je suis persuadé qu’ils vont se battre et réussiront à maintenir le foyer.
Comédien hors pair, CIA me disait qu’il mérite le poste de ministre de l’Axe Hamdallaye-Bambéto-Cosa. Il savait lier l’humour à l’actualité. Plusieurs médias web, spécialisés dans l’humoriste, ont collaboré avec lui. Le français n’était pas son point fort mais c’est en cela qu’il faisait valoir son génie en déformant les mots pour leur donner un sens ironique. Les guinéens ne vont pas de sitôt oublié le mot « GAZCRYMOLAGENE » qui veut dire en réalité, gaz lacrymogène. Il a utilisé ce mot dans un commentaire qu’il avait de la sortie du Général Ansoumane Camara ‘’Baffoé’’, Directeur Général de la Police, qui soutenait que c’est le vent qui avait envoyé le gaz lacrymogène au cimetière au moment où 11 victimes des manifestations anti troisième mandat pour Alpha Condé, étaient en train d’être inhumées à Bambéto. Pour la première fois, les forces de l’ordre avaient aspergé un cortège funèbre.

Nous n’avons pas appris que CIA était malade. Il est décédé le mardi 16 janvier 2024 à l’âge de 54 ans, des suites d’un arrêt cardiaque dans son orphelinat. Avec la coupure d’internet, je n’ai reçu l’information qu’au lendemain à 12h. Je ne l’ai réalisé que quand j’ai attendu mon collègue Alseyni Barry, demandé au chef d’édition « vous avez envoyé qui chez CIA ? », J’ai tout de suite demandé qu’est-ce qui se passe chez lui ? C’est là que Djibril Bah m’informe qu’il a tiré sa révérence sans apporter de précisions. Inhumé au cimetière de Bambéto, « CIA » a accompagné beaucoup des victimes en ce lieu de repos éternel avant de bénéficier de cette assistance le mercredi, 17 janvier 2024.
J’ai reçu des témoignages de journalistes qui t’appelaient pendant les manifestations pour que tu les aides à traverser des zones tensions, certains t’appelaient tard la nuit après leurs éditions mais tu étais toujours disponible. Manifestants et forces de l’ordre chacun avait un respect pour toi m’a-t-on dit. Tu te mettais sur des capots de véhicules pour être reconnu à distance afin de protéger les autres. Tu n’avais pas peur rajoutent mes interlocuteurs. Ta fille biologique aussi nous a confié ceci : « quand je demande quelque chose à mon père et qu’un autre enfant fasse la même demande, il satisfait l’autre d’abord avant sa propre progéniture » fin de citation.
Je ne pourrais jamais dire avec exactitude les bienfaits d’Ibrahima Saïkou Diallo dit CIA. Dors en paix mon cher ami. Tes enfants sont fiers de toi, je suis fier de toi et je suis certain que ton pays, la République de Guinée l’est aussi.
Mamoudou Boulléré Diallo
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